C’est arrivé d’un seul coup. La chaleur s’est abattue sur la région depuis hier après-midi. Le choc est brutal, pas de transition, le corps et l’esprit disent non, plongeant les esprits dans une espèce de torpeur dont on a du mal à se départir.
Dans la grande enfilade de la coursive extérieure de l’école, sous l’auvent métallique, quelques étudiants se réfugient à l’ombre d’un soleil qui écrase tout, d’une chaleur étouffante, rendue plus insupportable encore à cause de l’humidité de l’air, des pluies qui ont gorgé le sol d’eau pendant ces derniers mois.
Une ambiance solitaire, silencieuse, simplement dérangée par le claquement métallique des échafaudages montés et démontés par des hommes emmitouflés dans leur salopette de travail et dont le casque de chantier repose parfois sur un bonnet. Rien que de les regarder, je meurs de chaud. Ils me font penser à ces ouvriers et ces ouvrières du bâtiment qui travaillent jour et nuit sous un soleil de plomb et dans la poussière des chantiers incessants de Bangkok, que l’on croise à trois heures du matin, trainant la savate sous leurs habits bleus entourés d’une chasuble fluorescente, le visage caché derrière des cache-poussière colorés, les cheveux couverts par un chapeau ressemblant à un bob à larges bords. Rien d’autre que leurs yeux n’est visible. Même leurs avant-bras sont recouverts de protection qui leur arrive à la moitié de la main.
Malgré leur aspect poussiéreux, malgré la lassitude manifeste de leur corps, ils sont beaux et dignes, comme tous les travailleurs de fortune, ceux que personne ne voit ni ne considère, et à qui on devrait élever des statues.