Voilà. Je suis de retour dans le bleu, la couleur immortelle des ombres voyageuses, des vertiges incessants, du pur état de grâce permanent. Quelques mots jetés à la hâte au bord de la route pour les âmes qui se permettront de ramasser les cailloux jetés par les autres.
Se fondre dans le néant, ne pas laisser de traces, rendre ses pas invisibles, jour après jour, heure après heure, ne rien laisser de soi parmi les autres, si ce n’est qu’un souvenir, une ombre fugace, l’impression que rien n’est préhensible et que tout n’a pas autant le caractère d’évidence qu’il devrait avoir. Je ne sais plus qui disait que tendre vers la disparition reste la seule issue dans le monde qui est le nôtre.
Le bleu est la couleur du désert, des hommes enturbannés qui se fondent dans le vent du désert, dans la poussière, c’est la couleur du souvenir et de l’enfance, c’est la couleur des yeux du diable, celle du regard étrange des neiges et des mains de Paul Bowles, c’est à la fois une couleur joyeuse et une couleur sérieuse, une couleur de tous les jours. Même lorsque j’étais enfant, ma chambre était bleue, et aujourd’hui encore, elle ne porte pas d’autre nom que la chambre bleue. Un léger parfum traîne tout autour de moi, ce n’est pas le mien, je ne sais pas à qui il appartient, mais il a quelque chose de magique. En réalité, je connais tous les parfums, je suis capable de savoir à qui appartient tel et tel parfum sans que son propriétaire le sache lui-même. Je sais aussi pourquoi les choses ne vont pas, je sais reconnaître les erreurs du passé dans les yeux rougis de fatigue et de colère, je sais pourquoi précisément les choses ont déraillé à un moment donné, et je sais aussi pourquoi elle ne redeviendront jamais comme elles ont été pendant une certaine période de la vie. Pas de nostalgie, car tout ce qui arrive maintenant est beaucoup mieux que ce qui est arrivé.
Il y a de la poésie partout, dans chacune des journées qui succèdent aux autres, il y a des parfums partout, des routes qui croisent d’autres routes et qui ne les rejoignent jamais. C’est ainsi et c’est très certainement le mieux qui puisse être. Le monde dans lequel on évolue est forcément le meilleur des mondes possibles.
Alors voilà, chaque jour j’écrirai ici, chaque jour, je poserai quelques mots, peut-être pas au mois d’août, j’aurais mieux à faire, mais j’essaierai de faire du bleu une couleur universelle et quotidienne, en dehors des choses les plus évidentes, et je ne reviendrai plus en arrière.
Blue uncharted…