Bleu de Chine vernissé

A certains moments, je ressens le besoin de bouger, de tressauter, peut-être parce qu’à d’autres moments je suis tellement fondu dans le décor que ce n’est qu’un effet de balancier. Alors hier, j’ai tressauté.
J’ai passé pas mal de temps à lire, à comprendre comment la ville chinoise était construite, pourquoi elle était aussi carrée et était construite sur la base de neuf rues est-ouest et neuf rues nord-sud.
J’ai découvert ce qu’était la géomancie chinoise et combien cette science empirique était en fait si peu codifiée que c’est l’esthétique du paysage qui a finalement modelé les villes beaucoup plus que la science apparente du fengshui xiansheng (风水先生).
J’ai découvert pourquoi, et je me posais la question cet été lorsque, au pied des pignons du Temple de la Littérature de Hanoï (Văn Miếu-Quốc Tử Giám), je m’extasiais devant l’épaisseur de l’architecture de cet ensemble massif et pourtant si aérien, pourquoi les toits des édifices d’inspiration chinoise étaient ainsi recourbés vers le ciel. J’ai assisté à la naissance de la maison symétrique et du jardin muré aux jarres immenses dans lesquelles on élève des poissons aux yeux globuleux ou des petits guppys. Et aussi à l’apparition de la chaise dans la civilisation chinoise, du guéridon, et de la chaise de vieillard ivre (zuiwengyi).
Et puis je me suis décidé. Mon bureau ne me permettant plus de ranger mes affaires, j’ai monté des étagères, j’ai récupéré mes caissons qui étaient stockées au grenier, j’ai tout remonté, percé le mur, nettoyé, installé une barre de led et replacé la lampe en verre, rangé mes peintures et mes encres dans de petites boîtes sur lesquelles j’ai collé des étiquettes, installé à nouveau mes amulettes bouddhistes, la page du Coran encadrée achetée à Istanbul. J’ai écouté de la musique plutôt que la radio, rangé tout ce qui devait l’être et puis je me suis enfin décidé à décoller du mur la Tour Eiffel qui était collée sur le mur face à l’escalier, lessiver le mur, retoucher la peinture qui s’écaillait… A présent, tout est prêt pour refaire la décoration. C’est décidé, je peindrai à la place un immense trompe-l’œil en forme de panneau en bois à motifs ciselés écarlate et je vais accrocher mes lampions achetés sur Hàng Mã à Hanoï sur la descente de l’escalier. Au sol, je conserve mes lampes arabes et je vais peindre les contremarches de motifs et d’arabesques. Le haut asiatique, le bas oriental. Voilà comment je vois les choses.

Il me reste énormément de choses à faire, l’esprit libre, le corps détendu, des projets plein la tête et mille choses encore à apprendre.

Photo d’en-tête © Scott Robinson

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *